vendredi 19 novembre 2010

21:05:53 — La vengeance de Fistule

Cher Guillaume,
Pardonnez-moi le retard avec lequel je vous écris. Voilà trois jours que je cours à droite, à gauche. Je sors à l'instant d'une assemblée générale passablement houleuse, consacrée à un important projet de fusion entre l'association de chasse que je préside, et l'Entente Colombophile de Lorraine, laquelle semble précisément avoir du mal à entendre la voix de la raison! Je suis épuisé, tant physiquement que nerveusement. Mais je vous écris en priorité.
Mercredi soir, au cours d'une longue discussion avec mon jardinier, nous nous sommes peu à peu rendus à l'évidence. Le bordereau de la Poste ne pouvait pas avoir disparu tout seul. Il fallait que quelqu'un l'eût subtilisé après que mon employé l'avait glissé sous la porte. Mais qui? Qui aurait eu intérêt à s'approprier ce chiffon de papier, qui n'avait de valeur que pour vous et moi? Puis, il n'y avait personne à la maison, qui d'ailleurs était gardée par Fistule.
Fistule!
Hélas! Vous connaissez le proverbe, mon cher Guillaume: on n'est jamais trahi que par les chiens.
À plus forte raison quand ils appartiennent au sexe perfide par lequel la gourmandise et la tromperie entrèrent ici-bas!
Il fallait que cet animal, non content de lacérer les coussins et de dévorer mon journal, assouvît enfin ses pulsions celluloïdes sur notre innocent bordereau!
Je vous laisse à imaginer la terrible urgence et l'affreux dilemme où je me trouvais tout soudain, et quelle tempête sous mon crâne! Fistule! Le vivant souvenir de ma défunte épouse!
Mais la voix de l'amitié que je vous porte, finalement l'emporta sur l'affection bien réelle que j'avais pour la chienne de Suzanne.
C'est mon jardinier lui-même qui se chargea de l'horrible besogne. Fistule avait confiance en lui. Elle ne souffrit pas, m'assura-t-il. Quelques minutes plus tard, il m'apportait douze ou quinze boulettes de papier maculées de sang et de bile: c'était tout ce qui restait du maudit bordereau!
Le cœur brisé, les larmes aux yeux et une loupe à la main, je m'attelai à la terrible tâche. Quelques chiffres étaient encore lisibles; d'autres se laissaient à peine deviner. Et c'est ainsi que, peu à peu, je parvins à reconstituer l'intégralité, me semble-t-il, du numéro de suivi.
Je l'envoie de ce pas à PayPal, et m'en vais me coucher.
Merci de votre compréhension.
Bien amicalement et dites-moi quand vous aurez reçu votre iPad,
Bébert.
PS: Nous avons enterré notre pauvre chienne dans la petite cour qu'elle aimait tant. Là où elle s'en est allée, elle a retrouvé ma chère femme et mes deux chers enfants. Qu'elle se console au milieu d'eux de son trop court passage dans cette vallée de larmes! Amen!



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire